23-10-2025 07:00 - Rapport de la Cour des comptes : Le temps du discernement, pas de la vindicte

Rapport de la Cour des comptes : Le temps du discernement, pas de la vindicte

Shems Maarif -- Depuis la publication du dernier rapport de la Cour des comptes, la Mauritanie bruisse d’indignation.

Les réseaux sociaux s’enflamment, les plateaux de débat s’agitent, et certains chiffres ont été brandis comme des preuves de détournements massifs.

Pourtant, une lecture attentive du rapport montre une réalité bien différente : dans près de 80 % des cas, il ne s’agit pas de vol ni de corruption, mais de fautes de gestion, de lenteurs administratives ou de manquements aux procédures.

Des erreurs, oui. Des irrégularités, parfois graves. Mais pas des crimes.

À la SOMELEC, plusieurs dizaines d’abonnés — parfois des institutions publiques — n’ont pas payé leurs factures depuis des mois. Faut-il crier au détournement ? Non.

C’est un problème de suivi administratif, un déficit de rigueur dans le recouvrement, mais pas un acte de vol.

Même chose à Mauritania Airlines, où près de 100 millions d’ouguiyas restent bloqués dans un pays africain.

L’argent n’a pas disparu : il n’a simplement pas été recouvré, à cause de lenteurs bancaires et de procédures administratives complexes. Ce n’est pas une malversation, mais un dysfonctionnement.

Même constat au ministère de l’Emploi et de la Formation professionnelle, à qui la Cour reproche de ne pas avoir lancé d’appel d’offres pour le choix d’hôtels destinés à accueillir des délégations de haut niveau à Nouakchott.

Mais il ne s’agissait pas d’une opération opaque : le ministre a simplement choisi des établissements qu’il jugeait adaptés à la qualité et à la sécurité des invités.

Il faut d’abord saluer l’acte même de transparence. La Cour des comptes publie désormais ses rapports, accessibles à tous.

C’est un progrès considérable dans notre culture de gouvernance.

Mais cette transparence, au lieu d’être utilisée pour informer et corriger, ne doit pas devenir une arme de lynchage public ou un terrain de spéculations partisanes.

Et s’il est un trait qu’il faut reconnaître au président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, c’est bien son tempérament calme et réfléchi.

L’homme n’agit ni sous l’impulsion ni sous la pression. Il écoute, observe, consulte — puis tranche, dans le respect des institutions et des faits.

Ce style de gouvernance, fait de mesure et de pondération, est aux antipodes de la précipitation et du populisme.

Et c’est précisément ce qu’exige ce moment : résister à la pression des réseaux sociaux et aux voix qui voient du mal partout simplement parce qu’elles crient plus fort que les autres.

La publication du rapport de la Cour des comptes est la preuve que la transparence n’est plus un slogan.

À l’administration de se réformer, aux gestionnaires d’être formés, et à la société de débattre avec maturité.

Cependant confondre faute et vol, erreur et trahison, n’aide pas le pays à progresser.

La vraie bonne gouvernance naît dans le calme, la raison et la vérité des faitspas dans le bruit des colères numériques.

La bonne gouvernance, c’est aussi cela, comprendre avant de juger, corriger avant de condamner et sanctionner lorsque la faute est prouvée.

Car il ne s’agit pas de fermer les yeux : tout manquement doit être sanctionné, toute négligence corrigée, toute faute administrative assumée.

Mais il faut le faire dans la justice, pas dans la précipitation. C’est ainsi que se construit un État fort, juste et respecté — dans le calme, la transparence et la vérité.

Yedaly Fall



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Commentaires (5)

  • ouldsidialy (H) 23/10/2025 11:48 X

    Mes racines africaines souffrent parfois !!!! Voyez celui-là, qui a bien le droit à son partie pris, mais s'autorise l'économie de son " jus de cerveau". Les fautes de gestion seraient un péché véniel comparé au fait de s'en mettre plein les poches ! On retrouve la préoccupation pénaliste pour parler de l'économie , comme si les juges ou les moralistes construisaient l'économie. Le juridisme scolaire d'africains si peu enclins à respecter les règles publiques de base, à fortiori autre chose !!!!

    1)En retour, on lui concède le droit à la paresse d'esprit et de ne pas voir que le bien que peuvent faire des poches pleines à l'économie, ne dépend pas de la régularité ou de la moralité de la façon dont les poches se sont remplies. Il n'est pas non plus obligé de voir que les américains qui bossaient (eux), dans une Amérique où la corruption était reine entre 1865 et 1930 , ont accumulés suffisamment de richesses pour ramasser la puissance d'une Europe qui s'était suicidée ! 

    2) Mais le bon sens tout de même? Les fautes de gestion traduisent incompétence ,indifférence ou insuffisance de travail. C'est bien assez pour virer de la fonction, très mal noter et mettre en dernier des candidats à fonction.

    3) Ce qui est problématique c'est l'opinion de ceux qui pensent que les fautes de gestion ne font pas autant de dégâts que la corruption. Comment enlever ce genre de croyance de l'esprit des gens ? Améliorer la culture générale économique des plus jeunes. C'est au collège qu'il faut commencer.

  • Ahmedounallah2009 (H) 23/10/2025 08:23 X

    Monsieur Yedali FALL, votre comportement témoigne d'un manque d'intégrité et de sérieux. Il serait préférable que vous ne vous associiez pas à ce groupe aux pratiques douteuses. Votre interprétation du rapport semble radicalement différente de celle des autres analystes. Votre compréhension des conclusions de la Cour des comptes paraît biaisée, peut-être au service de vos intérêts personnels. Par ailleurs, il conviendrait que vous expliquiez comment la SOMELEC peut omettre de facturer l'électricité à plus de 20 000 foyers importants. Ni Aziz, ni certaines industries à forte consommation, ni vous-même, ni d'autres personnes de votre entourage ne payez vos factures d'électricité. Cette situation constitue assurément une forme de détournement.

  • Ahmedounallah2009 (H) 23/10/2025 08:23 X

    Mr Yedaly, La construction partielle d’une route représente une allocation importante des ressources publiques, tout comme de nombreux autres exemples que je ne peux énumérer ici. Il me semble que vous vous écartez de la réalité, et fort heureusement, vous n'incarnez pas la justice mais plutôt la corruption et un système de redistribution biaisé. Qui pourrait prétendre le contraire?

  • Ahmedounallah2009 (H) 23/10/2025 08:23 X

    Yedaly, estimez-vous qu'il soit équitable, dans un ministère de la santé déjà connu pour sa corruption bien avant la crise du COVID, de désigner une seule femme comme responsable du détournement de plus d'un milliard d'ouguiya ? Dans cette institution, personne d'autre n'est inquiété : ni le ministre, ni le secrétaire général, ni les comptables, gestionnaires, directeurs ou membres de la commission des marchés. Tous semblent épargnés pendant que cette unique femme est arrêtée, servant apparemment de bouc émissaire pour protéger les autres impliqués. Vous devriez vous interroger sur votre propre jugement plutôt que de critiquer celui des autres, votre analyse habituelle manquant de discernement.

  • Ahmedounallah2009 (H) 23/10/2025 08:22 X

    En + Monsieur Yedaly, le Président Ghazouani ne prête plus attention aux flatteries ni aux discours éloquents. Il est désormais préoccupé par son avenir après son mandat présidentiel plutôt que par sa correspondance officielle. Il devra choisir entre utiliser son pouvoir actuel pour juger les responsables de détournements de fonds publics, ou risquer de partager leur sort comme son prédécesseur. Il est incohérent de traiter différemment les accusations portées contre Aziz pour 41 milliards et celles concernant 410 milliards que tous ont constatées. Soyons rigoureux : devant la justice, chacun assumera sa propre responsabilité. Concernant les infrastructures, il faudra prévoir un mur périphérique, des points d'accès contrôlés, un parking pour visiteurs et un poste de gardiennage. Il faut lire entre les lignes, pour comprendre.