27-09-2025 20:16 - Face à la crise, l’unité nationale avant les querelles partisanes / Par Mohamed Fall Sidatt

La semaine dernière, notre pays a été le théâtre d’une séquence politique aussi troublante que révélatrice : des rumeurs persistantes ont circulé sur une possible arrestation du président Biram Dah Abeid, suite à son intervention devant le Parlement européen, perçue par certains comme provocatrice.
Ces spéculations ont été suivies de déclarations virulentes de l’intéressé sur les réseaux sociaux, auxquelles les autorités ont opposé un silence assourdissant. Ce mutisme officiel a ouvert la voie à toutes les interprétations, accentuant un climat de défiance et de confrontation latente. La situation a désormais dépassé le stade de la polémique pour revêtir une dimension alarmante.
Dans ce contexte de tension extrême, une question s’impose, non pour attiser les divisions, mais pour tracer une voie de raison : n’est-il pas temps de transcender nos divergences afin de préserver l’essentiel, notre unité nationale ?
L’espace public mauritanien est marqué, depuis plusieurs semaines, par une radicalisation croissante des discours et des postures. Les positions se durcissent, le dialogue promis s’efface devant l’anathème, et la logique du pire semble gagner du terrain. Cette défiance généralisée, alimentée par des intérêts apparemment irréconciliables, nous mène insidieusement vers un point de rupture.
L’histoire nous enseigne pourtant qu’une fracture politique profonde agit comme un poison lent : elle corrode la confiance citoyenne, affaiblit les institutions et sape les fondements de notre cohésion sociale.
D’un côté, le pouvoir en place semble cultiver un déni troublant face à la gravité de la crise. Cette attitude rappelle cet ancien ministre irakien qui, alors que Bagdad était encerclée, affirmait que les troupes étrangères n’avaient pas franchi les frontières.
Prétendre que tout est sous contrôle, quand les signaux d’alerte sont manifestes, relève d’un aveuglement dangereux. Les exemples voisins du Mali, du Soudan ou de la Libye sont là pour nous rappeler, cruellement, que le déni politique se paie au prix fort et hypothèque l’avenir de nations entières.
De l’autre côté, l’opposition cède trop souvent à la facilité de la surenchère verbale. Si cette stratégie peut se comprendre face à la frustration, elle n’en demeure pas moins périlleuse : elle risque d’embraser la situation et de précipiter le pays dans une confrontation ouverte. Une telle dérive ne produirait que des perdants.
Ni le pouvoir, ni l’opposition, ni le peuple n’en sortiraient vainqueurs. Ce serait surtout la jeunesse, héritière de nos errements, qui paierait le tribut le plus lourd. Dans un pays en crise, il n’y a pas de victoire ; seulement une nation affaiblie et un avenir compromis.
Face à cette impasse, un dialogue sincère et constructif demeure la seule issue responsable. L’heure n’est plus aux calculs partisans ni aux ambitions personnelles, mais à la recherche courageuse d’un consensus salvateur. Pourquoi ne pas envisager des gestes forts, comme la formation d’un gouvernement d’union nationale intégrant une représentation crédible de l’opposition ?
L’exemple du Sénégal reste édifiant. En pleine crise, le président Abdou Diouf avait surpris son pays en nommant son principal rival, Me Abdoulaye Wade, ministre d’État. Ce geste, mû par un sens aigu de l’intérêt général, permit de désamorcer une tension explosive et d’ouvrir une période de stabilité. Les Sénégalais n’étaient ni plus sages ni plus patriotes que nous ; ils ont simplement su, à un moment critique, privilégier le salut national.
J’en appelle solennellement au Président de la République : faites preuve du courage des bâtisseurs. La création immédiate d’une commission indépendante et inclusive, dotée d’un mandat clair et d’un calendrier strict, placée sous votre haute autorité, pourrait relancer un dialogue franc avec toutes les forces vives de la nation.
J’invite avec la même fermeté les leaders de l’opposition à assumer leur part de responsabilité historique. La critique est nécessaire, mais elle n’est pas une fin en soi. Il est temps de délaisser les discours incendiaires, de dépasser les postures stériles et de venir à la table des négociations avec une volonté réelle de compromis.
Certains trouveront cet appel naïf ou tardif, mais quand la maison brûle, on commence par éteindre l’incendie avant de chercher les responsables.
Alors que la région vacille, notre destin est entre nos mains. Emprunterons-nous la voie périlleuse de la division, ou celle, salutaire, de la sagesse et du dialogue ? Monsieur le Président, agissez tandis qu’il est encore temps, tandis que les ponts peuvent être rétablis.
L’unité nationale n’est ni un slogan vide ni une simple option politique. Elle est la condition sine qua non de notre paix, de notre stabilité et du progrès des générations futures. Le temps des querelles est révolu. Place à l’action responsable, au courage et à la préservation de notre bien commun : la Mauritanie.