C'est une vérité absolue : M. El Wely, vous avez tout à fait raison de dire que notre élite doit se réveiller, sinon elle sera emportée. Mais de quelle élite parlons-nous? La Mauritanie n'a pas de véritables élites, seulement des commerçants opportunistes qui ne pensent qu'à leurs intérêts personnels et dirigent le pays dans cette optique. Les affaires nationales qui devraient faire de la Mauritanie un pays comparable aux autres nations ne les intéressent pas. L'administration suit cette tendance avec des cadres choisis selon leur appartenance tribale et régionale. La connaissance et la compétence n'ont aucune valeur - seule compte la richesse excessive et les détournements qui font la fierté des groupes tribaux, où les hommes sont jugés sur leur capacité à s'approprier les fonds publics.

Monsieur El Wely, vous évoquez des pays ayant surmonté de graves difficultés pour se reconstruire, mais grâce à une justice équitable et des lois universelles. Notre problème en Mauritanie est l'impunité et un système judiciaire divisé selon des lignes tribales, où chaque groupe a ses propres juges et avocats. Les personnes noires ne peuvent juger les Maures blancs - une visite au palais de justice révèle des centaines de Noirs jugés par des juges maures blancs, tandis que les contrevenants de la communauté blanche sont souvent libérés dès le commissariat grâce à leurs relations familiales et tribales. Un pays sans justice indépendante ne peut ni prospérer ni être équitable. Des nations comme le Rwanda et la Corée ont appliqué la justice uniformément à tous leurs citoyens sans discrimination, et les résultats sont évidents.

La Mauritanie ne souffre pas d'un manque d'élite, mais plutôt d'un système où des opportunistes, protégés par les militaires au pouvoir depuis 1978, exploitent le pays. Nous n'avons connu qu'une seule transition démocratique, qui a échoué, avec un président civil renversé - et ceux responsables de cette situation, bien qu'emprisonnés, ne rendent pas véritablement compte de leurs actes. Le chaos actuel en Mauritanie résulte directement de la gouvernance militaire qui a transformé le pays en un terrain de divisions tribales et ethniques.

Chaque officier ou ministre cherche à démontrer sa puissance par la corruption et le détournement de fonds, voulant impressionner sa famille et renforcer sa tribu pour consolider son pouvoir. Nos dirigeants ont échoué à tous les niveaux - en tant que chefs d'État, premiers ministres, ministres ou directeurs. Aucun projet bénéfique pour le pays n'avance, tandis que les détournements de fonds publics et les transactions douteuses prospèrent. Ironiquement, ceux qui ont le plus volé sont souvent les premiers à afficher leur piété à la mosquée, se plaçant juste derrière l'imam après avoir financé la construction d'un lieu de culte dans leur village d'origine.

L'échec du développement en Mauritanie peut être attribué à la gouvernance militaire qui a divisé la population géographiquement, poussé les cadres compétents à l'exil et favorisé une minorité moins qualifiée mais dominante dans le commerce et le détournement de fonds publics - pratique courante parmi les politiciens. Ce pays reste en projet de construction, dépendant d'une élite commerçante aux compétences limitées pour bâtir un État viable. Un tel développement nécessiterait pourtant une justice véritablement indépendante et équitable, ce qui ne semble pas être le cas actuellement. Pour conclure, M. El Wely, même l'intervention divine ne pourrait redresser les citoyens de ce pays, tant leur malhonnêteté envers la nation mauritanienne semble profondément ancrée