10-05-2025 20:26 - “Marges de vérité”: les pharmacies, faux dosages?!

La Dépêche - Le secteur pharmaceutique national, censé incarner une souveraineté sanitaire élémentaire, demeure encore tributaire d’une architecture institutionnelle lacunaire et d’une exécution défaillante des instruments normatifs de régulation.
Le ministre de la Santé, dans un effort de lucidité technocratique, a reconnu publiquement l’existence de profondes défaillances systémiques.
À cet effet, la constitution d’un comité technique d’audit sectoriel a permis de cartographier les principaux goulots d’étranglement entravant la gouvernance pharmaceutique : vacuité partielle de l’arsenal juridique, dysfonctionnements persistants dans les procédures d’enregistrement, porosité des dispositifs de surveillance, et surtout, contrebande chronique rendant inopérantes les chaînes de traçabilité.
L’un des constats les plus alarmants, bien que traité avec euphémisme, concerne l’état de sous-fonctionnalité du Laboratoire national de contrôle de la qualité des médicaments.
Cette institution, censée être l’épine dorsale de l’évaluation normative des produits de santé, opère de façon fragmentaire, dans un cadre logistique et analytique inadapté, en inadéquation manifeste avec les standards internationalement reconnus par l’OMS.
Pourtant, dans une déclaration aux accents volontaristes lors de la présentation de la politique générale du gouvernement, le Premier ministre a affirmé, avec un aplomb presque incantatoire, qu’à compter du 1er février 2025, aucun médicament ne serait introduit sur le territoire sans Autorisation de Mise sur le Marché (AMM).
Il a en outre précisé que 1 200 médicaments disposent d’un AMM valide, et que 300 autres sont en phase d’instruction. À cela s’est ajoutée une assurance logistique : les flux pharmaceutiques, selon lui, seraient désormais acheminés dans des conditions conformes aux normes, excluant tout recours à des camionnettes, naguère emblèmes d’un transport informel non sécurisé.
Toutefois, cette rhétorique d’assurance institutionnelle se heurte à la matérialité des faits. Il suffirait d’interroger les modalités d’acheminement de la dernière cargaison en provenance du Mali pour observer la persistance de pratiques non alignées avec les principes proclamés.
Le transport, s’il n’a pas été effectué par des camionnettes en tant que telles, n’a manifestement pas respecté les protocoles logistiques qu’exige un produit aussi thermosensible que le médicament.
Il y a donc lieu de poser la question de la cohérence stratégique entre les déclarations politiques et les capacités opérationnelles du système de régulation pharmaceutique. Tant que le Laboratoire national ne disposera ni d’une autonomie technologique ni d’une accréditation internationale, les AMM délivrées — fussent-elles administrativement impeccables — resteront des actes sans ancrage analytique robuste.
Chronique de Mohamed Ould Echriv Echriv