03-05-2025 23:09 - Liberté de la presse : Les journalistes payent-ils pour l’activisme sur les réseaux sociaux?

Liberté de la presse : Les journalistes payent-ils pour l’activisme sur les réseaux sociaux?

La Dépêche - La Mauritanie connait un recul dans la liberté de presse et d’expression. Le constat évident est perceptible dans le dernier classement de RSF 2025 sur la liberté des médias dans le monde qui recale notre pays de la de 33ème à 50ème place. Triste constat après avoir servi de “bon” exemple dans notre aire arabe et africaine. Pourquoi ?

Le 3 mai, journée internationale de la liberté de la presse est souvent l’arrêt qu’on observe pour mesurer le chemin parcouru. Les acquis mais aussi les défis qui souvent se dressent devant l’accomplissement professionnel, contre « leur crédibilité et leur diversité » comme veulent l’imprimer les NU aujourd’hui avec l’intrusion de la technologie de l’Intelligence Artificielle (IA).

La journée est aussi l’opportunité d’une ode à tous les militants de la liberté et de l’émancipation humaines qui ont marqué de leur vivant le combat toujours en cours pour la liberté de la parole dans notre société. De Coulibaly Souleimane, à Mohamed Fall Oumeir, en passant par Habib Ould Mahfoudh ou encore Moussa Diop, et tous les autres confrères qui ont rendu l’âme, convaincus des idéaux qu’ils portaient contre le bâillonnement de la liberté, c’est toujours l’occasion d’une pensée émue en cette journée si particulière.

C’est aussi l’endroit de se souvenir de plus de 200 journalistes palestiniens massacrés par Israël ; sans oublier évidemment les médias occidentaux fervents défenseurs de l’ignominie et de la rétention délibérée de l’information.

Les choses ont-elles véritablement changé chez nous depuis lors ? Oui, des améliorations sont notoires mais beaucoup de « manigances » liberticides persistent encore. L’espoir est surtout fondé sur la volonté affichée par le premier magistrat du pays mais aussi sur le rappel de confrères dans l’appareil gouvernemental (tutelle et régulation) pour aider à mieux cerner la dialectique des médias.

Si l’on peut aussi admettre, sans fléchir, l’anarchie qui caractérise le secteur, le déficit de formation et la ruée des intrus, la confusion fatale dans le cadre légal et règlementaire aggrave et réduit le rôle des médias traditionnels noyés dans le tsunami numérique des réseaux sociaux. A telle enseigne que les médias et les journalistes semblent aujourd’hui, en pratique, payer à travers la loi pour les dépassements observés sur les réseaux sociaux.

La difficulté inhérente à la confusion de genres ne permet pas, dans beaucoup d’esprits peu éclairés, de poser un marqueur sur la frontière entre les différentes sources d’information. Loin s’en faut. Les pouvoirs publics, non plus, ne font pas, en raison de l’audience spectaculaire des réseaux sociaux, la distinction entre les médias traditionnels et les réseaux sociaux.

Entre journalistes qui observent leur responsabilité sociale et les activistes de la toile qui vivent de la provocation. D’où les interférences entre les champs d’application de la loi sur la liberté de presse et la loi sur la cybercriminalité comme le font indistinctement d’ailleurs les lois sur les symboles de 2021 et celle de la lutte contre la cybercriminalité, devenue un fourre-tout au nom de la «protection des symboles nationaux et incrimination des atteintes à l’autorité de l’État et à l’honneur du citoyen ».

Une épée de Damoclès suspendue sur la tête du journaliste pour caractériser les abus causés par les réseaux sociaux. Une confusion fatale pour la liberté que le Gouvernement gagnerait à réviser pour rester en phase avec le désir du président qui dans son dernier message à l’occasion de cette journée internationale de la presse réitérait : « Nous réaffirmons la poursuite des efforts visant à la professionnaliser et à la développer, convaincus de l’importance de son rôle pionnier dans la formation de la conscience sociétale et l’éveil de l’opinion publique”.

Une promesse que souligne ce jour, le ministre de tutelle, Houssein Ould meddou, martelant que « le Président de la République, M. Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, a fait du renforcement de la liberté de la presse et de l’amélioration des conditions d’exercice de la profession de journaliste un pilier fondamental de son projet national ». Alors wait and see.

JD





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Commentaires (1)

  • ouldsidialy (H) 04/05/2025 15:57 X

    L'article mérite du commentaire car il est bien fait. Sa qualité rompt avantageusement avec le niveau moyen des productions écrites de la presse mauritanienne. Merci à son hauteur et tout ceux qui font comme lui.

    NB: déclaration de conflit d'intérêt : Je ne tire aucun revenu direct ou indirect de mon activité médiatique sur internet ou un quelconque autre support. Je ne participe pas à financer un quelconque média en Mauritanie ou à destination de la Mauritanie.

    1) Produire de l'information, c'est s'arroger de devenir porteur d'information, formater sa compréhension , influencer etc. Ce droit est auto-octroyé. Les journalistes ne sont pas élus. Une convention parmi les possibles, est que les journalistes fassent leur travail de la façon la plus libre. Faire presse exige d'avoir de l'argent . L'argent provient d'une association variable entre la vente du produit de presse et le financement tiers, privé ou publique. La légitimité à revendiquer une totale liberté de presse n'existe que si le journaliste vit de la vente exclusive de sa production. On constate que cela n'existe nulle part. Les médias classiques vivent surtout de financements tiers, lesquels obtiennent en retour des compensations logiques .Les financements par des entreprises où l'Etat demandent et obtiennent du service, en lien avec l'intérêt des payeurs.

    La liberté de presse n'est pas de ressort exclusivement idéologique. Il n'y a que le peuple qui croit cela, quand les journalistes et les politiques gagnent à le faire croire. Historiquement, la presse classique (PC) n'a jamais réussi à vendre grand-chose à ses lecteurs, auditeurs ou spectateurs en Mauritanie. Aujourd'hui elle se trouve fort démunie à revendiquer la liberté alors qu'elle ne peut pas en financer une partie du prix. Les déterminants économiques des médias sociaux (MS) comme de la presse classique (PC) sont similaires. Ils sont soumis, tous deux, à des volontés de régulation. Les MS subissent à notre époque une pression supérieure parce que les PC sont généralement sous contrôle depuis longtemps ou que leurs moyens de contention sont déjà connus et éprouvés. La liberté de la presse est à ce point maitrisée qu'elle est un outil d'interaction stratégique pour les jeux de puissance entre les Etats. Par exemple, Reporter sans frontière, peut à la fois servir son objet sociale et défendre des influences sans relation avec lui.

    2) Les pays les plus avancés démontrent que l'institutionnalisation des financements et des statuts de la presse associée à une autogouvernance présente l'avantage de remplacer la censure par l'auto censure. Ceci est jugé moins couteux et compliqué à gérer par plusieurs Etats. La chose est aussi appréciée par les journalistes parce que cela sécurise leurs sources de revenus et augmente le pouvoir de la presse et leur pouvoir. Dans le modèle abouti, la légitimé des revenus de la presse ne pose pas de problème, en revanche la constitution d'un pouvoir médiatique par nature non démocratique, pose davantage de questions. Dans les pays autoritaires, la presse n'est jamais en situation d'usurpation de pouvoir comme elle peut l'être dans les pays démocratiques. Comme quoi, les résultats de la liberté ne sont pas forcément ceux que l'on attend.

    3) L'irruption de la possibilité pour chacun de devenir médiateur de presse inquiète les journalistes classiques. L'inquiétude est proportionnelle à leur fragilité de situation. L'article du journaliste commenté, dit une partie de ces fragilités. L'examen attentif des arguments fait voir qu'ils n'ont qu'un lointain rapport avec la défense de la liberté de la presse à proprement dite. Mais tournent autour de la nécessaire de sa régulation. Que les médias sociaux (MS) soient une immense décharge où le pire côtoie le meilleur ou que les MS soient source de désinformations, pose des questions de qualité médiatique ou de sécurité nationale. La question de la qualité se pose pour tout média d'information (MI) et la sécurité nationale est une responsabilité régalienne pas une préoccupation de liberté de presse ! La désinformation n'est pas non plus spécifique. Le formatage de l'opinion est le résultat habituel d'un travail de PC . Mentir par omission d'auto-sensure, donne parfois des résultats similaires à mentir par fabrication etc... Au final, la liberté de mentir est une liberté pas une censure.

    Mais le journaliste est honnête dans son article , il parle clairement de ce qui est sa préoccupation. Il regrette " l'anarchie" qui régit l'accès à son métier et semble inviter à davantage le réglementer. Il a raison. C'est un aspect important en faveur de l'institutionnalisation de la presse. Mais l'anarchie est gênante avant tout pour la qualité pas pour la liberté de presse. L'institutionnalisation n'est pas un outil , en soi, pour favoriser la liberté de presse mais un moyen qui contribue à la qualité de la presse.

    4) Les journalistes mauritaniens semblent vouloir faire l'impasse sur les besoins d'argent des MS. Ils sont pourtant évidents. Les médias sociaux dépendent de l'argent public et privé autant que les journalistes de PC. Un journaliste vit de la publicité et des intérêts liés à l'entrepreneur qui lui donne de la publicité ou des subventions. Un Tic Toqueur démarre avec ses seuls moyens mais pérennise son succès soit par rémunération de la plateforme soit par de l'argent public. La préoccupation pour le journaliste comme le youtubeur est que ses revenus soient moins aléatoires et personne dépendante mais aussi " d'anoblir" leur conditions de perception. Tous deux ont intérêt à un cadre légal pour les financements. Il s'agit pour l'un de ne plus dépendre d'enveloppes de salons et pour l'autre d'un envoi bankily.

    L'Etat mauritanien, comme tous les états, financent la presse pour servir ses objets et les protéger de ce qui lui semble défavorable. La rationalisation de la dépense publique vise à assurer l'efficacité pour atteindre les objectifs. Les responsables politiques mauritaniens ne sont pas des imbéciles. Ils savent que le financement des MS est nécessaires.Les solutions institutionnelles légales sont également possibles. Mais la créativité administrative est à la peine. Les procédures sont celles de l'administration européennes des années 60 quand il n' y avait pas d'internet.

    5) On remarque que l'on ne voit pas souvent la presse examiner les conséquences du financement de l'Etat sur la liberté d'expression. On note également un assagissement de la critique politique ces dernières années. Cela indique que l'institutionnalisation des subventions publiques donne de bons résultats; en se mettant du point de vue de l'Etat. En revanche, la faiblesse de la critique économique est historique dans le pays et n'a pas de relation avec la régulation actuelle de la presse. L'expression des journalistes sur eux-mêmes semble indiquer des difficultés d'orchestration de la mise en œuvre de l'institutionnalisation des sources de revenus. La mise en œuvre des projets est une des grandes faiblesses des administrations mauritaniennes. L'intensité des disputes autour des subventions indiquerait elles aussi une faiblesse des contributions de l'offre privée de financement ? Le pays a pourtant un secteur minier actif et un regain d'intérêt politique pour les influenceurs/ payeurs étrangers pour médias locaux.

    . 6 ) L'auteur semble aussi souhaiter une application différenciée de l'esprit des lois et règlements pour réguler la parole de presse. De mon point de vue, ce serait une erreur. Le fonctionnement "anarchique" de la presse classique fait que ses productions répréhensibles sont de même nature que les médias sociaux. Cela tient aussi au support. La PC ne vend quasi rien sur supports physiques ( papiers) en Mauritanie. Cela a de nombreuses implications pratiques. Il vient de là que c'est une erreur d'envisager une stratégie de régulation juridique pour les PC différente des MS. Le même esprit des lois est valable pour les deux.