05-10-2025 20:18 - Chroniques d'un officier subalterne ( 9ème épisode)

Erratum : dans le précédent épisode, au lieu de général CEMAT, lire le général commandant les Forces Spéciales.
A/ Vivre en paix, c'est d'abord un privilège:
Les Peulh, les Maures, les Soninké et les Wolofs, tous musulmans ont vécu des millénaires en symbiose, chaque peuple respectant la culture de l'autre. Au 20ème siècle, l'impératif géographique, couplé à une pesanteur socio-politique, dictée par la France coloniale, ont abouti à la création d'un Etat en 1960, selon les normes du droit international.
De là ont surgi, (cela peut se comprendre pour tout début), des revendications inhérentes à la construction d'un Etat moderne et centralisateur, multi-ethnique et multiculturel. Depuis, et pour des raisons identitaires, des groupuscules extrémistes, tentent de gâcher cet élan d'espoir qui consiste à bâtir au plus vite une nation mauritanienne citoyenne.
Si les Maures d'obédience Arabe, n'ont pas voulu tendre la main à leurs voisins du Nord, auxquels les lient autant d'affinités historiques et culturelles, les négro-mauritaniens au contraire, lancent des signaux séduisants à leurs "frères" noirs d'Afrique sub-saharienne. En effet depuis quelque temps les irrédentistes et identitaires parlant au nom des négro-mauritaniens, font croire à l'opinion internationale de l'existence d'une entité Bambara, implantée en Mauritanie, au même titre que les Peulh, Soninké et Wolof.
Cette démarche est démagogique. L'ethnie Bambara, majoritaire au Mali, très présente au Burkina Faso, dans le Nord de la Cote d'Ivoire, en Guinée, au Sénégal (du côté de la région de Tambacounda), un peu moins en Gambie, et en Guinée Bissau, est quasi-inexistante en Mauritanie.
Seules quelques familles qu'on peut compter sur les bouts des doigts d'une main s'y sont installées, du temps de l'AOF( Afrique occidentale française). En Mauritanie tous les patronymes bambara tels Dembelé, Couloubaly, Diarra, Traoré, Tounkara, Sidibé ( métis entre Peulh et Malinké, comme d'ailleurs les Diakité et les Sangaré) sont les esclaves des Soninké, du Guidimagha.
Ces familles d'origine bambara, ont fuit la pratique esclavagiste qui sévissait du temps des empires ouest-africains, surtout en Guinée et au Mali, avant la pénétration coloniale. Depuis des millénaires, les Soninké n'ont jamais accepté qu'un autre sang étranger se mélange au leur. Ainsi quand un émigré vient chez eux, on lui donne une servante comme épouse et on le contraint à se cantonner à la périphérie du village.
Le but est de ne pas se mélanger au Soninké de souche. Les Bambara quant à eux ne constituent pas une entité représentative en Mauritanie. Leur prétendue présence en Mauritanie a pour seul alibi de surchauffer l'auditoire de la sous-région ouest-africaine, avec l'intention malveillante d'avoir une majorité noire au pays des beidanes.
Cette stratégie de communautaristes de l'extrême, ne se limite pas aux Bambara seulement. Puisqu'elle s'étend désormais aux Haratines également, dont certains commencent à muscler leurs discours imbibés de relents épidermiques. Ces imbéciles ignorent que même un zoulou, natif d'Atar, ayant fréquenté les mahadras et les bibliothèques ataroises ne pourrait être que le produit de son milieu. Même plus noir que le charbon de bois, il sera soumis au contenu de sa carte-mémoire. Autrement dit la culture du milieu dans lequel il a baigné depuis son enfance sera inscrite dans ses chromosomes. Qu'il soit blanc ou noir.
B/ Au bord de la guerre:
Au milieu de l'année 1989, les relations entre la Mauritanie et le Sénégal ne faisaient que s'envenimer.. Quand la diplomatie échoue, c'est le tout militaire qui entre en action. Ce climat délétère se répercute d'abord sur les défenseurs du pays, que sont les Forces Armées et de sécurité, bien avant les citoyens. Même si ces derniers sont appelés à subir de plein fouet les conséquences dramatiques d'un éventuel conflit.
Ce conflit est fangeux puisqu'il demande à une composante de la Mauritanie de tirer sur ses frères de l'autre côté de la rive gauche. Les pouvoirs publics mauritaniens ont bien anticipé ce dilemme cornélien, mutant la majorité des militaires originaires de la vallée dans les régions et casernes du Nord du pays, dès 1987, suite au coup d'Etat manqué.
Toujours est-il qu'avec ma batterie de 100 mt12, je suis positionné à la 6ème région militaire dès les premières tueries à Dakar et à Nouakchott. La région était commandée par le colonel Sidi Mohamed Ould Sabar yarahmou, un vrai baroudeur, un grand homme de terrain, comme il se fait rare actuellement. Quelques jours plus tard je devrais rejoindre le PC tactique sur le site de Nkek, à quelques encablures de la ville de Rosso, avec pour mission d'appuyer le bataillon commandé par le capitaine Znagui Ould Sid'Ahmed Ely.
Les soldats étaient motivés, prêts à en découdre, l'alimentation à gogo, le moral au diapason, donc conforme aux circonstances sur le terrain. De Ndiago sur l'océan atlantique dans le Trarza au dernier confins du Guidimagha, les unités militaires, de la Garde Nationale, de la Gendarmerie étaient sur leurs positions le long du fleuve Sénégal. La guerre peut-être déclarée à tout moment.
C/ Le colonel Mohamed Ould Lekhal : meneur d'hommes
Il existe des moments dans l'histoire humaine où la chance vous fournit l'occasion d'avoir l'homme qu'il faut à la place qu'il faut. Cette assertion n'a jamais porté son nom que le temps où le colonel Mohamed Ould Lekhal, alors chef d'Etat-Major adjoint, a rendu visite aux unités combattantes un jour d'été de 1989 à Nkek, au nord de Rosso. Tous les commandants d'unités, de bataillons de la 6ème région militaire étaient sur place, tel l'actuel ministre de la défense, sous le commandement du colonel Sidi Mohamed Ould Sabar. Le colonel Ould Lekhal, comme à son habitude est parti droit au but.
"La situation est grave, à la fois de l'intérieur que de l'extérieur. A l'intérieur les militaires d'origine Peulh constituent plus de 51 à 52 % des effectifs de l'Armée Nationale, selon les chiffres donnés par le B1. On ne peut tous les démobiliser encore moins les surveiller un à un, de crainte que certains ne soient d'intelligence avec l'ennemi. Nous savons qu'il y a parmi eux des patriotes. De l'extérieur, nous constatons que le président sénégalais Abdou Diouf a cédé à la pression des Flam afin de créer un différend avec la Mauritanie. Nous ne permettrons jamais que quelques almoudos puissent nuire à notre Mauritanie. Préparez-vous au combat, car nous n'attendons que le discours du président Abdou Diouf. S'il est belliqueux, nous attaquerons les premiers. S'il est conciliant, vous recevrez les instructions pour cela. Vous pouvez disposer".
Tous les commandants d'unités ont rejoint leurs hommes, en répercutant les ordres du CEMGAA. On est l'après-midi et le discours d'Abdou Diouf, c'est ce soir à l'ouverture du journal télévisé sénégalais de 20 heures. Le colonel Sabar yarahmou , m'interpella:
- Mon capitaine, ta batterie restera en retrait en attendant les ordres,
- Mon colonel lui dis-je, ma batterie est spécifique, elle n'est pas destinée au tir courbe, comme pour toute artillerie classique, mais plutôt conçue pour le tir tendu sur les cibles visibles à l’œil nu (chars, bâtiments etc..). Normalement s'agissant d'une batterie d'Artillerie sol-sol classique, c'est le DLO (détachement de liaison et d'observation), loin devant, commandé par l'adjoint à la batterie, qui s'adonne à l'acquisition des objectifs à traiter et transmet aussitôt leurs coordonnées à l'officier de tir.
- Je ne vois pas d'objectif important le long du fleuve mon capitaine...
- Si lui répondis-je, l'usine de sucre de Richard Toll, face à Bagdad, côté mauritanien. Elle emploie des milliers de travailleurs. Avec ses nombreux bâtiments, elle constitue même un objectif stratégique.
-Bien, mission pour toi, détruire l'usine.
- Bien reçu mon colonel....
D/ La guerre n'aura pas lieu, c'était aussi mieux pour tous:
ELY SIDAHMED KROMBELE, FRANCE
( A suivre, 10 éme épisode, Inch'Allah)