12-07-2025 02:00 - Sénégal: Ousmane Sonko s'en prend à Bassirou Diomaye Faye dans un discours

RFI Afrique -
Dans un discours au ton très vindicatif, prononcé lors d’une réunion de son parti, le Pastef, jeudi 10 juillet, Le Premier ministre Ousmane Sonko s’en est pris à ses adversaires politiques, mais aussi, pour la première fois, au président Bassirou Diomaye Faye.
Pour Ousmane Sonko, il n’y a pas de problème majeur au Sénégal, hormis un « problème d’autorité », même « d’absence d’autorité », a-t-il déclaré jeudi 10 juillet lors de l’installation du Conseil national du Pastef.
Une attaque à peine voilée contre le président de la République, Bassirou Diomaye Faye, auquel Ousmane Sonko reproche de ne pas assez trancher et de ne pas défendre son Premier ministre, notamment face aux attaques qu’il dit subir contre sa personne.
« On ne peut tolérer qu’un homme, père de famille et chef d’institution, soit traîné quotidiennement dans la boue, sous couvert de liberté d’expression ». Des attaques qui peuvent cesser si le président décide « de s’y opposer fermement ».
Des tensions entre le Premier ministre et le président ?
Ousmane Sonko appelle aussi à ce qu’on le « laisse gouverner » et dénonce un manque de marge de manœuvre pour exécuter les réformes promises. « J’interpelle le président Bassirou Diomaye Faye pour qu’il prenne ses responsabilités, sinon qu’il me laisse faire », a-t-il dit. Le Premier ministre a également appelé la justice à faire son travail et à accélérer la reddition des comptes.
La presse sénégalaise voit dans ces déclaration le signe de tensions au sein du tandem Sonko-Diomaye. « Divorce en live », a même titré le journal l’Enquête. Sans aller aussi loin, le politologue Moussa Diaw parle, lui, de « divergences importantes » à la tête du pays, ce qui n'étonne pas Maurice Soundeck Dione, professeur en sciences politiques à Saint-Louis. Pour lui, cette situation au sommet de l'État était inévitable à court ou moyen terme en raison de la particularité de cet exécutif à deux têtes.
« La situation est exceptionnelle du fait que c'est le Premier ministre et chef du parti [au pouvoir] qui a pratiquement proposé le président comme candidat et qui l'a soutenu », analyse-t-il ainsi. Candidat naturel du Pastef à la dernière présidentielle dont il avait été évincé en raison de ses problèmes judiciaires, Ousmane Sonko avait en effet lui-même désigné Bassirou Diomaye Faye pour être candidat à sa place. « Tout se passe donc comme si le chef du gouvernement était le mentor du chef de l'État. Or, politiquement et constitutionnellement, c'est le président qui est le chef du Premier ministre... vous voyez un peu ! », reprend ce dernier.
« Un discours dangereux qui fragilise l'institution présidentielle »
Quoi qu'il en soit, voir un Premier ministre publiquement critiquer son président est quasiment inédit au Sénégal au regard de l'organisation institutionnelle de l'exécutif, le chef du gouvernement étant soumis à l'autorité du chef de l'État qui le nomme et qui peut le démettre. Une situation sans précédent que l'enseignant-chercheur en sciences politiques Demba Gueye voit quant à lui d'un mauvais œil : « Il s'agit d'un discours dangereux, dans la mesure où il fragilise l'institution présidentielle. Tout le monde sait qu'au Sénégal, nous avons un régime présidentiel fort. En outre, [Ousmane Sonko] ne s'attaque pas qu'au chef de l'État : il s'en prend aussi à diverses institutions comme la justice ou les médias. »
Si, de son côté, une source proche de la présidence minimise le clash et met ce discours sur le compte de la frustration d’un chef de gouvernement qui doit se contenter du fauteuil de Premier ministre, Ousmane Sonko a pour sa part très clairement déclaré qu'en dépit de ses divergences avec le président, il ne comptait pas démissionner.
Reste donc la question de savoir comment Bassirou Diomaye Faye va gérer ces dissensions. Va-t-il démettre le Premier ministre de ses fonctions pour affirmer son autorité à la tête de l'État, comme certains l'y encouragent dans l'opposition ? Ou bien va-t-il tenter de mettre de l'huile dans les rouages de son équipe ?
Avec notre correspondante à Dakar, Léa-Lisa Westerhoff