10-07-2025 18:35 - Trump, maître d’école face à une Afrique qui baisse les yeux

Trump, maître d’école face à une Afrique qui baisse les yeux

Le Rénovateur Quotidien - Il fallait voir la mise en scène pour la croire. Donald Trump, président des États-Unis, accueillait cette semaine cinq chefs d’État africains dans les salons solennels de la Maison-Blanche.

Censée marquer un tournant dans les relations entre les États-Unis et l’Afrique, cette rencontre a davantage évoqué une leçon magistrale qu’un sommet diplomatique. Le ton était donné : Trump parlait, les présidents africains écoutaient. Le « nouveau paradigme » vanté — moins d’aide, plus de commerce — ressemblait à un vieux schéma colonial : l’Amérique dicte, l’Afrique s’ajuste. 

Et dans cette étrange salle de classe improvisée, les chefs d’État ouest-africains semblaient avoir troqué leur souveraineté contre un stylo et un cahier de notes.

Une diplomatie de la docilité

Joseph Boakai (Libéria), Bassirou Diomaye Faye (Sénégal), Umaro Sissoco Embaló (Guinée-Bissau), Mohamed Ould Ghazouani (Mauritanie) et Brice Oligui Nguema (Gabon) se sont pliés à l’exercice avec un mélange d’application et de prudence. Trop de prudence.

L’instant révélateur survient lorsque Trump, surpris par l’anglais fluide du président libérien, s’enquiert de l’origine de cette « belle langue » : « Where did you learn English so beautifully? » Le Libérien répond calmement : « In Liberia. » Cette remarque, digne d’un touriste mal informé, aurait mérité une mise au point cinglante. Elle n’en reçoit aucune. L’on sourit. L’on acquiesce. On attend la suite du cours.

Et la suite, justement, n’est qu’un défilé de postures trop modestes pour être stratégiques. Le président sénégalais Faye vante les mérites de ses terrains de golf pour flatter l’ego de l’ancien magnat de l’immobilier. Embaló reste laconique, conscient peut-être que le silence est plus sûr que la parole. Ghazouani se fait couper la parole par un Trump pressé, sans protestation. Nguema, plus chanceux, repart avec la promesse d’un investissement minier. Prix d’un comportement sans accroc.

Des chefs d’État réduits à des rôles secondaires

Ce mini-sommet avait pourtant été annoncé comme un moment-clé. L’Afrique, nous disait-on, devait prendre place à la table des grandes puissances pour y défendre ses intérêts. Or, à Washington, les intérêts africains se sont dissous dans une logorrhée américaine centrée sur la migration et les ressources naturelles.

Car derrière les sourires, un enjeu majeur se profilait : la question migratoire. Trump veut externaliser la gestion des flux en proposant aux pays invités de devenir des « pays tiers sûrs », c’est-à-dire des zones de transit ou de rétention pour les migrants expulsés. Le Libéria serait en tête de liste. Aucune voix forte ne s’est élevée pour questionner la légitimité d’un tel projet. Où était la défense de la souveraineté africaine ? De la dignité diplomatique ? Du droit de regard sur ce qui touche aux vies humaines ?

L’Afrique peut-elle encore s’asseoir à la bonne table ?

Ce qui frappe dans cette scène, ce n’est pas tant l’attitude de Trump — fidèle à lui-même, directif, souvent mal informé, toujours sûr de son bon droit — que celle des chefs d’État africains, tous visiblement trop soucieux de préserver un accès au « bon élève » du moment, au détriment d’une parole libre et assumée.

Leur discrétion a un coût : l’effacement progressif de l’Afrique sur la scène des grands débats internationaux. Car pendant que Trump leur rappelait, d’un ton professoral, les règles du commerce selon Washington, le reste du monde — Chine, Russie, Union européenne — observe. Et conclut.

Ce que nous dit ce sommet, c’est l’état d’une relation encore déséquilibrée

À défaut d’un dialogue entre partenaires, on assiste à une pièce où le scénario est écrit d’avance : le Nord propose, le Sud dispose. Et lorsque les plus hauts représentants africains acceptent de participer à cette chorégraphie sans mot dire, ils entérinent un modèle dont leur continent devra, tôt ou tard, se libérer.

L’Afrique n’a pas besoin d’un maître, ni de conseils condescendants. Elle a besoin d’un espace de négociation équitable, fondé sur la réciprocité, la dignité et la connaissance mutuelle. Ce que la Maison-Blanche n’a manifestement pas offert cette semaine.





Les articles, commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité


Commentaires : 2
Lus : 760

Postez un commentaire

Charte des commentaires

A lire avant de commenter! Quelques dispositions pour rendre les débats passionnants sur Cridem :

Commentez pour enrichir : Le but des commentaires est d'instaurer des échanges enrichissants à partir des articles publiés sur Cridem.

Respectez vos interlocuteurs : Pour assurer des débats de qualité, un maître-mot: le respect des participants. Donnez à chacun le droit d'être en désaccord avec vous. Appuyez vos réponses sur des faits et des arguments, non sur des invectives.

Contenus illicites : Le contenu des commentaires ne doit pas contrevenir aux lois et réglementations en vigueur. Sont notamment illicites les propos racistes ou antisémites, diffamatoires ou injurieux, divulguant des informations relatives à la vie privée d'une personne, utilisant des oeuvres protégées par les droits d'auteur (textes, photos, vidéos...).

Cridem se réserve le droit de ne pas valider tout commentaire susceptible de contrevenir à la loi, ainsi que tout commentaire hors-sujet, promotionnel ou grossier. Merci pour votre participation à Cridem!

Les commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité.

Identification

Pour poster un commentaire il faut être membre .

Si vous avez déjà un accès membre .
Veuillez vous identifier sur la page d'accueil en haut à droite dans la partie IDENTIFICATION ou bien Cliquez ICI .

Vous n'êtes pas membre . Vous pouvez vous enregistrer gratuitement en Cliquant ICI .

En étant membre vous accèderez à TOUS les espaces de CRIDEM sans aucune restriction .

Commentaires (2)

  • activiobservat (H) 10/07/2025 22:24 X

    Diaspora-- Cet article est intéressant certes pour sa description de la scène et sa jalousie sur les intérêts et la place de l’Afrique, mais vous avez donné à cette rencontre plus d’ambitions qu’elle n’en a réellement, et plus qu’elle ne représentait pour ceux qui y ont assisté.

    Personne ne pensait comme vous que cette rencontre était censée marquer un tournant dans les relations entre les États-Unis et l’Afrique. S’il en était ainsi, la rencontre aurait prévu beaucoup plus de pays et surtout les plus « grands Â» pays africains en termes d’importance économique. Trump a invité ces cinq pays côtiers –côte Ouest de l’Afrique à cause de leur proximité avec les USA sur l’Atlantique, pour renforcer leur coopération avec les USA pour des raisons géographiques, et pour s’assurer que l’avancée des Russes et de la Chine en Afrique de l’Ouest n’atteigne ces pays et fasse d’eux un théâtre d’affrontements entre grandes puissances car ces cinq pays sont dans le voisinage immédiat des USA et étaient depuis longtemps en bonne coopération sécuritaire avec les USA et c’est légitime compte tenu de la proximité géographique atlantique.

    Donc, ces cinq pays ont accepté naturellement cette invitation et ils ne pouvaient que l’accepter. Il ne faut pas le leur reprocher. Pour les questions de coopération, migration…évoqués, la rencontre n’est pas le lieu de parler de leur légitimité ni de leurs modalités de mise en œuvre. Le silence des présidents ne vaut ni entérinement, ni docilité.

    Non, certains étaient laconiques, par prudence (Guinée Bissau). D’autres, étaient plus décontractés et ont été directs (Mauritanie et Gabon). Le président mauritanien a été le premier à prendre la parole. Il a ouvert le bal avec un langage direct et très clair en disant que le pays même s’il est petit, suivant le critère de population, de niveau de vie et d’influence internationale, par rapport aux USA, il est aussi un grand pays suivant d’autres critères et il n’a aucun complexe sur ce plan. Un autre président parmi les participants a aussi répété ce même langage dans son intervention.

    De son côté, le président gabonais a dit clairement que le pays est ouvert à des investissements gagnant-gagnant, et que si les USA n’y viennent pas il y a d’autres investisseurs qui vont venir. Quant aux bourdes de Trump, en coupant la parole à certains ou en appréciant l’anglais d’un autre, Trump a l’habitude d’en commettre vis-à-vis d’autres présidents européens, asiatiques…et personne ne s’en formalise ni les prend à cœur car c’est le caractère de M. Trump.

    Le président Mauritanien Ghazouani s’est plutôt comporté avec aisance et responsabilité en évoquant les guerres dans le monde, et surtout le nombre de morts dans le conflit israélo palestinien, avant même de parler de la Mauritanie.

    Le président Mauritanien Ghazouani était le premier à prendre la parole et son intervention a pris assez de temps, car il était bien dans son assiette et sans complexes, ce qui a peut être un peu troublé Trump qui n'est pas habitué à voir des présidents du tiers-monde aussi sûr d'eux-mêmes. Le Président Ghazouani s’en est sorti plutôt grandi dans cette rencontre. Oul Ghazouani enregistre ainsi un nouveau succès diplomatique incontestable.

  • abatcha (H) 10/07/2025 19:04 X

    Comme des enfants entourés par leur maître, respectez vous un petit peu !!! Pourquoi pas envoyer un Premier ministre à la place ???