Il y a des chansons qui marquent un tournant dans une carrière. D’autres qui, sans bruit, guérissent les âmes. Yeeweende, le dernier tube de Yero Gaynaako, appartient aux deux catégories. C’est plus qu’un hommage, plus qu’un cri du cœur c’est une thérapie musicale, un appel à tous ceux qui ont perdu un être cher et qui portent, souvent en silence, le poids du deuil.

Dans Yeeweende qui veut dire nostalgie en français, Yero parle de la perte de son père. Mais à travers ses mots, ses silences, et l’émotion palpable dans sa voix, il parle pour nous tous. Pour ceux qui n’ont pas su comment dire adieu. 

Pour ceux qui n’ont pas eu le luxe de pleurer ouvertement. Pour ceux, comme moi, qui vivent avec ce vide que rien ne comble. Il y a 11 ans, j’ai perdu mon père adoptif, sans doute la personne avec qui j’ai été le plus profondément lié.

Depuis, j’ai avancé parce qu’il le fallait, parce que la vie ne nous attend pas. Mais il reste ce manque, cette absence irréversible, que ni le temps ni les mots ne parviennent à effacer.

À travers cette chanson, une pensée m’envahit, une prière silencieuse s’élève pour Baabam Amadou, Taana Gaysiri, Takko Demba,Baabo, Deedo Kummba, Kaaw Ablaye, Bébé Neene Hayso, Mika Neene Hayso (John), Mohamed Neene Boongel (Messi), Moussa Ali Ba (Dogg Seven), Cheikh Tijane Ba (Chico), Doro Mama…et tous ceux qui sont partis avant nous yo yurmeende Alla won e maayɓe men fof.

Ce qui rend Yeeweende si puissant, c’est sa sincérité brute, dénuée d’artifices. Yero, en tant qu’homme africain, peul de surcroît, brise les codes d’une société où l’expression de la douleur est souvent contenue, étouffée. Chez nous, on apprend très tôt à ravaler ses larmes, gorko woyataa ɓe mbiyi, à camoufler ses blessures derrière des sourires dignes et des silences lourds. Mais Yero, lui, choisit de parler, de mettre en mots ce que tant d’autres ressentent sans jamais pouvoir l’exprimer.

Dans un monde où l’on court sans cesse, Yeeweende est une pause. Un instant de vérité. Une invitation à se reconnecter à nos émotions, à notre humanité. C’est un espace sûr pour ceux qui n’ont pas pu faire leur deuil. Une main tendue à tous ceux qui ont perdu une mère, un père, un frère, une sœur, un ami… à tous ceux qui ont aimé et perdu.

La chanson Yeeweende est d’utilité publique. Elle ne parle pas seulement du père de Yero. Elle parle pour nous. Elle parle de nous.

Par Elhadj Sy