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04-11-2025

18:16

Réforme des marchés publics : entre le “moins-disant” et l’“offre économiquement la plus avantageuse”

À la suite d'un commentaire très pertinent évoquant la prééminence de « l’offre économiquement la plus avantageuse », il est utile de revenir sur cette distinction fondamentale qui traverse aujourd’hui le débat sur la réforme des marchés publics en Mauritanie.

Ce débat n’est pas seulement technique : il touche à la philosophie même de l’achat public, entre la recherche du prix le plus bas et la recherche de la meilleure valeur globale pour la collectivité.

1. Le “moins-disant” : un principe encore dominant dans notre pratique nationale

Dans la pratique mauritanienne actuelle, le critère du moins-disant reste la référence principale, notamment pour les marchés de travaux.

L’évaluation repose sur une logique simple : dès lors que plusieurs offres sont jugées techniquement conformes, celle présentant le prix le plus bas est retenue.

Cette approche s’inscrit dans une tradition administrative visant à préserver la transparence et à maîtriser la dépense publique, mais elle montre ses limites dès qu’il s’agit de projets exigeant une qualité technique élevée ou une performance durable.

Ainsi, l’esprit d’évaluation en Mauritanie demeure guidé par la logique du prix le plus bas conforme, sans recours à des critères différenciés de notation.

2. L’offre économiquement la plus avantageuse : une vision plus équilibrée de la performance

À l’opposé, le concept de l’offre économiquement la plus avantageuse (OEPA) s’impose aujourd’hui dans de nombreux systèmes internationaux et dans les directives des bailleurs de fonds.

Cette approche vise à retenir l’offre présentant le meilleur rapport qualité/prix, et non nécessairement l’offre la moins chère.

Elle peut reposer sur un système de notation pondérée, qui combine : des critères techniques tels que la méthodologie, la qualité des matériaux, l’organisation du chantier, l’expérience du personnel clé, l’innovation, la durabilité environnementale, etc. ; et des critères financiers, dont le prix constitue un élément parmi d’autres.

Autrement dit, cette méthode permet à l’autorité contractante de pondérer la valeur technique et la valeur financière d’une offre, afin de choisir celle qui procure la meilleure valeur globale.

3. Une méthode applicable aux travaux, mais encore absente du cadre mauritanien

Contrairement à une idée répandue, l’OEPA peut parfaitement s’appliquer aux marchés de travaux. Elle permet d’intégrer la dimension qualitative dans des projets où la performance technique, la sécurité, la durabilité des matériaux ou la maîtrise des délais sont déterminantes.

Toutefois, dans le contexte mauritanien actuel, cette approche n’est pas encore institutionnalisée dans les textes ou les pratiques pour les marchés de travaux.

Le décret n°2022-083 demeure attaché au principe du moins-disant, sauf pour les prestations intellectuelles, où la notation pondérée (généralement 80 % technique / 20 % prix) est déjà admise.

4. Vers une réforme de fond : élargir la notion de “valeur publique”

Les réflexions en cours autour de la réforme des marchés publics offrent l’occasion d’ouvrir cette question : faut-il continuer à privilégier le moins-disant ou évoluer vers une approche intégrée où le prix n’est plus l’unique critère ?

Une telle évolution supposerait :

d’adopter des barèmes de notation objectifs et transparents ;

de renforcer la formation des commissions pour maîtriser les grilles d’évaluation ;

et d’assurer un contrôle a posteriori efficace pour prévenir les dérives ou les biais de notation.

En somme, il s’agirait de passer d’une logique de dépense à une logique de valeur publique, où l’administration ne cherche plus seulement à payer moins, mais à acheter mieux.

Conclusion

Le débat entre le moins-disant et l’offre économiquement la plus avantageuse reflète un enjeu plus profond : celui de la maturité du système de commande publique.

En Mauritanie, le premier domine encore, mais le second s’impose comme horizon de la réforme à venir. Introduire une approche pondérée, même pour les travaux, permettrait de mieux concilier la qualité, le coût et la performance, au service d’une commande publique moderne, efficiente et durable.

Mohamed Fouad Barrada





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