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Réseau fantôme à Nouakchott : enquête sur un trafic invisible mêlant influence, argent et drogue
POINTS CHAUDS - Chute d’un réseau clandestin : quand la drogue circulait sans contact à Nouakchott
Dans une discrétion trompeuse, la gendarmerie nationale a frappé fort. En l’espace de deux jours, plus de dix personnes ont été interpellées dans une affaire explosive qui lève le voile sur un réseau sophistiqué de vente et de distribution de drogue et d’alcool, opérant au cœur même du pays, à l’abri des regards… et parfois des soupçons.
Selon des sources sécuritaires bien informées, il ne s’agit pas d’un simple réseau de rue. Les personnes arrêtées appartiendraient à une organisation structurée, où se croisent fils de personnalités influentes et membres de grandes familles mauritaniennes, dont certains ont déjà occupé des postes stratégiques dans l’appareil de l’État.
Un détail qui alourdit le dossier et pose de sérieuses questions sur les zones d’ombre ayant longtemps protégé ces activités.
L’affaire a commencé loin des projecteurs, à l’aéroport international de Nouakchott Oumtounsi. Il y a environ deux semaines, un ressortissant d’un pays voisin y est arrêté avec une importante cargaison de drogue. Un incident en apparence classique. Mais très vite, les enquêteurs comprennent qu’ils ont mis la main sur un maillon clé d’un réseau bien plus vaste.
Les interrogatoires et les recoupements révèlent alors des extensions locales solidement implantées. Résultat : une série d’arrestations ciblées, touchant plusieurs Mauritaniens, dont deux employés sensibles, l’un à l’aéroport de Nouakchott, l’autre à la compagnie aérienne nationale, ainsi que des figures connues sur les réseaux sociaux, soupçonnées d’avoir servi de vitrines ou de relais.
Ce qui distingue ce réseau, c’est son mode opératoire. Fini les échanges directs et les transactions à risque. Le système reposait sur des paiements électroniques : le client envoyait une capture d’écran prouvant le virement bancaire, puis recevait une localisation GPS. La marchandise était déposée à l’avance dans une rue, un terrain vague ou un lieu public. Aucun contact. Aucun visage. Un trafic « sans mains », pensé pour brouiller les pistes et compliquer les flagrants délits.
Malgré la gravité des faits et l’onde de choc provoquée dans l’opinion, la gendarmerie nationale observe pour l’instant un silence total. Aucune déclaration officielle. Quelques médias locaux ont évoqué l’affaire dimanche soir, mais sans creuser. Trop tôt ? Trop sensible ? La question reste ouverte.
D’après des sources proches du dossier, le transfert du dossier au procureur de la République est attendu en milieu de semaine. Une étape décisive qui pourrait ouvrir la voie à de nouvelles inculpations et, surtout, mettre à l’épreuve la volonté réelle d’aller jusqu’au bout, quels que soient les noms impliqués.
Cette affaire ravive également de vieux souvenirs. Des blogueurs à l’étranger avaient déjà révélé, il y a quelque temps, une saisie de drogue impliquant des personnalités influentes dans l’un des hôtels les plus prestigieux de Nouakchott. Un dossier qui, selon eux, n’avait jamais atteint le bureau du procureur, classé dans un silence pesant.
Une chose est certaine : la Mauritanie fait aujourd’hui face à une recrudescence inquiétante des réseaux de trafic. Les arrestations récentes, dont la dernière saisie majeure réalisée par le commissariat de police n°3 à Tevragh-Zeina, montrent que la bataille est engagée. Reste à savoir si cette fois, la vérité ira jusqu’au bout , ou si elle s’arrêtera, une fois encore, aux portes de l’influence.