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02-12-2025

11:01

OMVS : Y a-t-il péril en la demeure?

La Dépêche -- L’Organisation pour la Mise en Valeur du Fleuve Sénégal (OMVS) traverse une mauvaise passe. Entre dettes impayées, retards dans la mise en œuvre des projets stratégiques et gouvernance hésitante, l’institution créée en 1972 semble s’enfoncer dans une zone de fortes turbulences, malgré les ambitions et directives au plus haut niveau.

Lorsque la présidence tournante de l’OMVS était revenue à Mohamed Ould Ghazouani, en 2023, l’espoir d’une relance était réel. Le chef de l’État mauritanien avait élaboré avec ses homologues des trois autres pays un plan de mobilisation de ressources destiné à financer des projets structurants notamment la navigation fluviale (847 millions USD), le barrage de Koukoutanba en Guinée (800 millions USD) et celui de Gourbassi, pour lequel la BAD avait déjà promis 100 millions USD.

La Conférence des Chefs d’Etat avait engagé l’ensemble du système OMVS pour la réalisation du programme d’infrastructures commun. Il est toujours en retard.

Par ailleurs, la proposition du président Ghazouani de mise en place d’une Banque de développement multilatérale pour faciliter la mobilisation des ressources pour le développement du bassin du Fleuve Sénégal -pourtant saluée par tous les chefs d’Etat- ne semble pratiquement pas effleurée durant le mandat de notre compatriote.

Il est vrai que l’évolution normale de l’organisation et ses ambitions se sont heurtées au statu quo anté. Les projets sont restés en suspens, englués dans les incertitudes, tout comme l’avenir même de l’organisation.

Le constat est désormais assumé publiquement. Selon le Haut-Commissaire lui-même, Mohamed Ould Abdel Vetah « la plus grande menace qui pèse actuellement sur l’organisation n’est pas politique, mais financière ». Une allusion à peine voilée aux arriérés du Mali envers la SOGEM, qui pesaient lourdement sur son activité.

L’audit en dira-t-il long de la situation ?

En avril 2025, l’OMVS a commandité un audit technique, financier et social de ses sociétés. Plusieurs mois plus tard, aucune clarification notable n’a émergé. Cette opacité alimente les critiques selon lesquelles l’organisation chercherait davantage à gagner du temps par des annonces en vogue de modernisation numérique au lieu de s’attaquer réellement au déficit de financement qui l’asphyxie.

Symbole de coopération régionale depuis 1972, l’OMVS a longtemps été saluée pour son modèle de gestion partagée des ressources du fleuve Sénégal. Mais aujourd’hui, elle ne semble plus que l’ombre d’elle-même. L’Omvs offre le dorénavant le visage d’une institution profondément fragilisée la veille du passage de témoin à la Guinée.

Un contexte délicat. La Guinée, qui a récemment cherché et obtenu seule des financements de 95 millions d’euros auprès de la CEDEAO pour trois microcentrales hydroélectriques, devait aussi accueillir en novembre 2025 la seconde édition du Forum de l’OMVS — un événement reporté pour plusieurs semaines encore. Signe fatidique d’une organisation qui se cherche.

L’Omvs, une patate chaude?

La Guinée va probablement présider dans quelques semaines le conseil des chefs d’Etat. Ce sera aussi dans ce pays qu’interviendra le choix, en 2026, du prochain Haut-Commissaire. Une échéance majeure, alors que l’institution est toujours en quête de stabilité, de crédibilité et surtout de solvabilité.

Malgré les discours volontaristes, le constat est que la santé de l’institution s’est dégradée, rattrapée par ses vieux travers : lenteurs, blocages, crispations financières et gouvernance approximative. Autant de facteurs qui viennent ternir l’idéal d’un développement solidaire et durable autour du fleuve Sénégal. Tout cela est bien loin de l’ambition que lui prédisait le président en exercice Mohamed Ould Ghazouani.

L’organisation naviguerait aujourd’hui à vue. Son avenir sera donc fonction des solutions idoines que le prochain sommet des chefs d’Etat mettra rapidement en œuvre pour parer au plus pressé. C’est à se demander enfin s’il ne faut pas craindre le pire pour la survie de l’organisation. Wait and see !

J.D



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