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04-05-2025

18:44

Chroniques d'un officier subalterne (1ère partie)

Le camion 1113 s'est arrêté une après-midi du 1er octobre 1979 devant le réfectoire de l'Ecole militaire interarmes d'Atar. Après un long trajet depuis Nouakchott et avant que les choses sérieuses ne commencent, les élèves officiers de la 4ème de l'Emia doivent faire connaissance avec leur encadrement.

C'était une chance que d'avoir pour commandant de brigade mauritanien le sous-lieutenant Félix Négri et comme encadreur un excellent sergent, droit et compétent, originaire de Keur Mecène du nom de Mohameden. Félix Négri, pour ceux qui ne le connaissent pas était un brillant officier, juste, de bonne moralité, issu de la 1ere promotion de L'Emia; il était coiffé, côté français par le capitaine Lefebvre secondé par l'adjudant-chef Vergniol, un vrai baroudeur.

Négri faisait partie des pionniers encadreurs mauritaniens, à l'instar des sous-lieutenants Ethmane Kaza, feux Tourad Ould Beibacar et Moktar Ould Mohamed Mahmoud. Etant élèves officiers, quand on voyait ces 4 officiers mauritaniens dans leur jeep de transport, on se voyait soulagés et on se disait qu'un jour la dure et rigoureuse formation finira, et qu'on bénéficiera des mêmes droits mais également serons soumis aux mêmes devoirs.

Franchement Ethmane Ould Kaza était pour moi l'exemple à suivre, car je le voyais altier, fier, juste, quand même imbu d'une froideur qui dégage à elle seule de l'autorité. Félix Négri était au contraire un modèle de simplicité, de modestie rivalisant d'avec le parcours du mahatma Ghandi. En plagiant le poète Victor Hugo, qui disait dès l'âge de 16 ans "vouloir être Chateaubriand ou rien", une voix intérieure me sifflait constamment: "sois comme Kaza ou Félix ou les deux à la fois"!!!

Dans la vie deux choses qu'Allah Seul Peut Accorder sont importantes: la santé et la longévité. Cette dernière permet de témoigner, surtout pour les générations contemporaines d'abord et futures ensuite. Jusqu'aux derniers confins du grade de l'officier subalterne (capitaine) mes deux modèles étaient toujours le prototype de l'exemplarité. Mais, hélas.... après ils se sont "azizifiés". Le problème est que beaucoup d'êtres humains, une fois riches, changent totalement de logiciel. Cependant il y a des exceptions à tout et nous en parlerons inch'Allah.

En 1979, il y avait à l'Emia également une brigade Orsa dont feu Mohamed Abdi, un officier qui m'a marqué à jamais, de par sa sociabilité. J'ai été également ébloui par la densité intellectuelle et l'empathie que dégage le sous-lieutenant Mohamed Lemine Ould Taleb Jeddou dit Meine. Cet officier quoi qu'on dise est un monument, sur le plan strictement militaire, une apothéose quant à la connaissance dans les domaines du combat, de l'armement, de la topo, du génie etc...jusqu'à l'ordre serré où sa cadence donne l'envie de marcher des kilomètres.

Il paraît qu'il est taximan aux USA; pourquoi pas un "think thank" en Mauritanie? Des compétences, comme tant d'autres à jamais perdues. Durant mon stage 1979-1980 à Atar, un sous-officier a attiré mon attention, l'adjudant-chef Deloul; un tireur d'élite, formé à la coloniale à l'instar de ses collègues de la 1ère CCP (compagnie de commandos parachutistes). Le seul élève qui pouvait se comparer à lui au tir à la cible, c'était Brahim Diakité (Ould Mamadi).

Si vous vouliez parfaire votre savoir-faire dans le domaine militaire, feu Deloul pouvait changer votre vie. Et si vous êtes stressé pour cause de stage, cherchez le caporal Doucouré, le chef de bord de la citerne à eau. Il vous parlera une langue que même l'intelligence artificielle ne pourrait déchiffrer. Doucouré est un Sarakolé qui, pour une phrase vous sortira du hassaniya, du français et du soninké avec un débit et une intonation qui vous laisseront perplexe.

A la sortie de la promotion, j'ai été retenu avec les sous-lieutenants Ahmed Weiss, Smail Cheibette, Namory Camara, Ba Boubacar pour former des caporaux à Todd, au nord d'Atar. Les deux compagnies de soldats à former étaient commandées par les sous-lieutenants Mohamed Lemine Ould Taleb dit Meine et Séga Ndaw. C'est là où j'ai connu l'un des meilleurs soldats de toute l'histoire de Mauritanie, Vanny Ould Hamatt, un spécialiste de la mitrailleuse de 50 (12,7mm).

A Todd, n'eût été la présence des familles Ehel Ducros et du sergent-chef Ethmane Ould Eleyatt, adjudant de compagnie de la 3ème région militaire d'Atar, notre stage aurait été très monotone.

A/ Du Secteur de Kaédi (1980-84) à la 2ème région militaire de Zouératt (1984- 86).

La 4ème promotion dont je suis issu a donné à l'Armée Nationale plusieurs colonels et surtout 3 généraux. Il s'agit du divisionnaire et ancien Cemga Moktar Bollé Chaabane, des brigadiers Mohamed Ould Mohamed El Moktar et Hamadi Ould Ely Maouloud. Après le défilé du 10 juillet 1980 à Nouakchott, où le capitaine Breika Mbarek faisait la pluie et le beau temps, nous fûmes mutés dans les différentes formations militaires de Mauritanie.

Je suis le seul à avoir été muté au Secteur Autonome de Kaédi en novembre 1980. Etant l'officier le moins ancien du secteur, on m'a affecté comme adjoint au sein d'un escadron commandé par feu le lieutenant Sarr Amadou, exécuté en décembre 1987, lorsque j'étais en stage d'artillerie en France. C'est à Kaédi que j'ai connu le futur président de la république islamique de Mauritanie, le général Mohamed Ould Abdel Aziz. C'est un autre chapitre qui s'ouvre.

( A SUIVRE INCH'ALLAH)

ELY SIDAHMED KROMBELE, FRANCE





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