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Mauritanie : le Parc national du Banc d’Arguin, l’éden des langoustiers bretons menacé
Le Télégramme - Réserve naturelle reconnue au patrimoine mondial de l’Unesco, le Parc national du Banc d’Arguin, en Mauritanie, fut au début du siècle, un eldorado pour les pêcheurs de Camaret et de Douarnenez. L’environnement est désormais menacé, notamment par la surpêche. Reportage.
Un littoral désertique où les tempêtes du Sahara rencontrent les bords de l’Atlantique. C’est ici au Parc national du Banc d’Arguin (PNBA) que vivent les Imraguens. Désormais moins d’un millier, les plus anciens pêcheurs de Mauritanie subissent de plein fouet le pillage des ressources halieutiques. Au début du XXe siècle, leur histoire rencontre celle des marins de Douarnenez (29) puis de Camaret (29).
À la recherche d’une activité de substitution à la pêche sardinière qui s’épuise, ces derniers font cap vers la Mauritanie et y découvrent la langouste rose, dynamisant ainsi l’activité des deux ports bretons.
« L’activité se développe sur incitation du ministère des Colonies », rappelle Françoise Pencalet-Kerivel, auteure d’une thèse sur le sujet. « Ces pêcheurs langoustiers sont alors surnommés les Mauritaniens ».
Fille de l’un d’eux, cette Douarneniste se souvient de la marmite où mijotaient les langoustes que son père rapportait du large des côtes africaines. Jean Pencalet l’emmène avec lui lors d’une dernière campagne à bord du Claire-Jeanne. « L’épopée bretonne se termine en 1990, à la suite, entre autres, de tensions liées à la surexploitation des fonds marins par d’autres langoustiers européens ». Ce problème de surpêche est toujours d’actualité en Mauritanie et menace plus que jamais l’éden fragile des pêcheurs artisanaux.
Une pêche difficile
Dès les premières lueurs du jour d’une matinée de janvier, alors que le soleil couronne le ciel d’une teinte rosée, Ahmedou Bamba s’immerge presque entièrement dans l’eau chaude pour rallier l’embarcation dont il est le capitaine. Les lanches à voile latine strient la vase et tournent le dos au désert.
Des nasses ont été déposées la veille, desquelles remontent quelques daurades. Mais le compte n’y est pas. Ahmedou pointe du doigt les bateaux étrangers. « Ils viennent la nuit et raclent nos fonds marins », déplore-t-il. En dépit d’accords existants comme avec l’Union européenne, des chalutiers affluent encore de tous bords pour exploiter ces ressources peu protégées.
Du temps des « Mauritaniens » bretons, bien que la pêche soit passée d’un modèle artisanal à capitalistique, « elle n’est jamais devenue industrielle », insiste Françoise Pencalet-Kerivel.
D’autres menaces
Mais selon son directeur Aly Ould Mohamed Salem, l’exploitation abusive des fonds marins n’est pas la seule menace qui pèse sur le PNBA.
« Une gigantesque mine d’or située en bordure déverse du mercure dans la nappe phréatique », mettant en péril la biodiversité de la plus grande aire marine protégée d’Afrique de l’Ouest. D’autant que de grandes quantités de poissons morts échoués ont déjà été retrouvées sur le littoral mauritanien en 2021. Si les causes restent mystérieuses, en Gambie voisine, le même phénomène est imputé à une usine chinoise de transformation de poisson.
La fabrication de farine ou d’huile de poisson a le vent en poupe en Mauritanie, bien que les autorités se soient engagées à en arrêter la production. Des menaces pèsent ainsi sur cet ancien éden de la pêche langoustière, illustrant les dangers de l’exploitation frénétique et anarchique des ressources halieutiques.
Le Télégramme